Pour des déjeuners studieux…
Par Manuel LOPEZ-NARDIN
Une nouvelle session d’échanges avec des collectivités (services habitat), mais aussi des opérateurs et EPF a eu lieu. En deux fois pour ne pas se retrouver trop nombreux autour de la table (5 participants à la première réunion et 6 à la seconde).
Un « char de pensées » se met ainsi peu à peu en place (Think Tank… ce qui veut dire « groupe de réflexion » si on est prosaïque…). La logique est de le laisser ouvert à qui veut.
Certains contacts préalables ont réagi sur l’horaire : « entre midi et deux, je n’ai pas forcément envie de parler PLH… ». Après échanges avec les participants, le fait de tenir cette réunion en dehors des horaires de travail lui confère un aspect « salon où l’on cause » de façon (très) libre.
Les propos échangés ne sont ainsi pas tièdes, et comme cela se passe en dehors de toute organisation institutionnelle les propositions sont relativement débridées et rafraichissantes.
De plus, pour favoriser encore plus ce besoin de sortir des approches classiques, je prends à ma charge la synthèse des débats et les analyses qui peuvent en ressortir. C’est donc plus facilement un objet pouvant faire l’objet de remarques qui ressort… Mon boulot c’est de prendre la plume en premier et d’accepter la critique ensuite afin de faire progresser les idées.
- Jeudi 9 janvier 2025 (12H15 en visio) : Comment décrire le contenu d’une stratégie foncière pour l’habitat comme si on s’adressait à un nouvel élu, aussi bien sur le sens que les outils à mobiliser ?
- Jeudi 16 janvier 2025 (12h15 en visio) : Un observatoire habitat-foncier idéal ça serait quoi, aussi bien en termes de données comme d’animation ?
Lien d’inscription : https://www.evalandgo.com/f/206893/4prsyT6QfmnfMCb6SMPpG5
Ces suggestions sont issues des débats de ces sessions d’octobre 2024. Dont voici une synthèse comportant aussi des analyses et réflexions venues à l’esprit du rédacteur au fil de l’écriture de la note…
Le foncier rare et cher… musique de fond bien pratique sur un foncier cher oui… mais rare, vraiment ? L’observation ne serait-elle pas trop impliquante finalement ?
Le foncier « rare et cher » est une maxime que l’on retrouve un peu partout et qui est conjuguée à tous les temps. Pour autant un travail d’observation permet d’objectiver les choses et de pousser ensuite à faire des choix.
La question de l’observation reste donc cruciale et interroge grandement les politiques. Ainsi un territoire raconte avoir effectué le travail technique de numérisation de l’ensemble de son potentiel foncier. Et de se retrouver beaucoup plus riche qu’initialement prévu (fantasmé ?)… Et les techniciens riches de cette connaissance objective se demandent à présent comment passer à la phase politique stratégique… qui imposera de faire des choix.
Un autre explique que le volet foncier de son PLH a mis en lumière un potentiel théorique de faire quantitativement au moins 5 PLH en un seul PLH…
Un territoire témoigne de son expérience d’un observatoire habitat-foncier, mais qui sur le foncier se contente de recenser des données de marché. Des critères de dureté foncière ont aussi été élaborés. Mais sans ligne directrice ni stratégie pour les employer, l’effet est resté neutre.
Les témoignages et expériences plaident aussi pour le maintien de la fonction d’observation en interne à l’EPCI. A l’interface entre la technique et le politique, avec une capacité à aller chercher l’information dans chaque service. Avec un cahier des charges politique exigeant et précis : ne pas observer pour observer !
Mettre en place un référentiel de prix du foncier : toutes discussions sérieuses avec l’ensemble des partenaires concluent à son besoin… mais là aussi, prompts sont les freins…
Un témoignage de tentative de mise en place d’un référentiel foncier montre les difficultés de travail avec les promoteurs. La transparence du compte à rebours « à livre ouvert » n’est pas gagnée au motif, notamment, de l’hétérogénéité des opérations.
Pour autant l’ensemble du tour de table (collectivités, promoteurs, bailleurs) était d’accord sur le constat et la nécessité de produire « moins cher ».
Un opérateur social estime qu’il faudrait poser le chiffre d’affaires d’une opération avec des principes de base. Par exemple, sur du foncier privé, la charge foncière doit se limiter à 20% du CA. C’est une donnée d’entrée. Une sorte de chiffre d’or qui peut ainsi servir de clef de discussion avec les promoteurs pour lancer le dialogue sur le montage transparent des opérations.
Calculer un équilibre économique de long terme avec des indicateurs de valeur(s) différents
« Mettre le paquet » de l’intervention publique sur des secteurs définis, se traduit souvent par un travail dans une logique de ZAC qui donne des règles communes à tous les intervenants. Mais il convient de partir des cibles de ménages, et non pas de la ressource foncière, pour définir le projet.
Le besoin de travailler avec une porte d’entrée « ménages » est partagée. Or, la ZAC devient essentiellement un outil financier et non plus un outil de projet social.
A ne pas risquer le déficit de la ZAC on ne se donne pas les moyens de réussir à loger des ménages cibles avec « le bon logement, au bon moment, au bon endroit ». L’attention est portée sur l’équilibre comptable de la ZAC. Sans vraiment de prise en compte des répercussions en coûts à plus longs termes si on rate les cibles initiales : actifs contraints au déplacement voiture, difficultés de recrutement pour les entreprises, services et équipements inadaptés, etc… La logique « produits » qui priorise aujourd’hui la sortie d’une opération économiquement viable, quitte à revoir en cours de route la programmation au détriment des besoins réels du territoire, est très court-termiste.
De plus, des effets de mode sont à prendre en compte. Le BRS est ainsi à objectiver pour mesurer l’ampleur du malentendu sur un produit qui ne permet pas de répondre à toutes les situations. Mais qui vient efficacement en complément d’autres segments, et en particulier du locatif social.
La piste du référentiel de prix, évolutif et mis à jour comme un objet de discussion et de négociation s’impose. Il s’agit de passer à l’opérationnel, même imparfait, pour commencer à changer les approches. Parler de la spéculation et de la valeur réelle d’un bien au regard de son apport pour le territoire, à mettre en relation avec le processus de création de valeur : en particulier la part de l’investissement public qui enchérit le bien privé.
Il faut de toutes façons accepter et acter la fin du foncier « facile ».
Une nouvelle approche avec les propriétaires fonciers doit s’instaurer.
La plannif’… à revisiter ?
La relation habitat/aménagement est aussi au cœur des échanges. Il s’agit de créer aussi un dialogue avec les autres politiques publiques. Le PLUI constituant ainsi un socle privilégié. Toutefois des PLU avec une cohérence minimale portée par le PLH par exemple pourraient aussi permettre de créer ce dialogue.
Un opérateur explique ainsi que les documents d’urbanisme manquent de cohérence sur les risques naturels. Par exemple avec les PPR. Sans doute à cause de la temporalité de l’urbanisme qui met un temps fou à établir cohérences et raccords entre les différentes prises de décisions : sur un même territoire, l’enchevêtrement des dispositifs communaux, intercommunaux, départementaux, parlant peu ou prou de sujets similaires, pas en même temps, et pas avec les mêmes données d’entrée aboutissent forcément à des écarts ou des incohérences. Lesquels, même peu importants, sont autant de raisons de ne rien faire.
On se goberge de prospectives construites sur des données obsolètes pour élaborer des documents de planification de plus en plus rigides. Avec des temps d’adaptation qui sont en décalage avec les réalités de terrain. On se perd dans le tableur excel et les différents schémas plus ou moins opposables.
C’est certain qu’un observatoire avec des indicateurs stratégiques clefs qui serait une boussole des politiques publiques sur le territoire aiderait grandement… Mais impliquerait aussi de se poser des questions sur la façon d’améliorer la situation des politiques publiques au service des usagers en tranchant dans le vif et dans l’égo de certains édiles.
Il y a un manque de matrices claires et cohérentes sur le foncier. Que l’on peut aussi retrouver sur la question du stationnement. La place de la voiture devient l’axiome de base. En dépit de toutes logiques et d’ambitions de politiques d’aménagement et de mobilités ambitieuses. Cela a pour résultat d’apporter une réponse en termes de nombre de stationnement par logement. Plutôt à la hausse. Alors que les bilans montrent des enjeux de gestion à termes (garage = cagibi/cellier) et, bien entendu, un poids financier sur l’opération.
Tous les fonciers sont stratégiques, qu’il y ait ou non du développement à favoriser
Une vraie politique foncière définissant des secteurs à enjeux, et donc, en creux des secteurs où le développement est limité, doit permettre de sortir du coup par coup.
Mais là où la politique foncière doit faire des progrès c’est aussi de tenir compte du « secteur sans enjeux ».
Tout l’enjeu c’est justement de travailler sur un nouveau modèle de développement de ces zones détendues, rurales, péri-urbaines…, qui jouent bien souvent la carte de l’attractivité et de « l’open bar » en défendant un modèle de parcelles constructibles importantes. Alors que cet étalement urbain est sans doute un aménagement bien plus « ruralicide » que le ZAN : perte d’attractivité des centres bourgs/villes existants, vocation résidentielle renforcée, dépendances accrues vis-à-vis des pôles d’activités et de commerces urbains, etc…
Mais le souci c’est que l’action d’aménagement privilégie l’urbain car c’est « là où ça se passe ». Mais pour autant il faut aussi agir « là où ça ne se passe pas » … Et peut-être se mettre d’accord sur c’est quoi le « ça » qui se passe ou pas… C’est peut-être finalement la définition d’une stratégie foncière ?