NB : En fin d’article un lien vers un sondage de recueil de réactions vous est proposé.
Le volet foncier des Politiques Locales de l’Habitat est de plus en plus essentiel. Le levier foncier apparait comme celui sur lequel il y a le plus de marges de manœuvre pour produire des logements abordables. Pour autant, l’approche s’avère souvent très technique, un peu obscure, entre approches de planificateurs et de programmistes… La prise en compte des ménages est peu centrale et « on parle pognon » à la fin quand tout est bouclé ! Mais la question de l’histoire de la valeur du foncier est primordiale et est le préalable à toutes actions.
C’est sur le partage de ce constat que MLN-conseil a proposé à quelques services habitat de collectivités de participer à une « p’tite visio » de réflexions sur le sujet. Ce fut l’occasion de partager des constats. Il s’agit maintenant d’aller plus loin dans les pistes, pour l’instant juste effleurées par les participants. La présente note propose de partager un point d’étape, et esquisse des propositions de réflexions à débattre, pour l’instant issues, essentiellement, d’élucubrations de MLN-conseil…
Une réflexion à quelques-uns, mais à partager largement !
En ce vendredi 5 avril 2024, sur invitation de MLN-conseil, une petite dizaine de collectivités(1), représentées par des services habitat, s’est retrouvée en visio pour évoquer ensemble des constats, pratiques et interrogations autour du thème : « Foncier et PLH : ce que nous savons faire ne suffit-il-plus ? ».
L’invitation était formulée comme suit : « La place du volet foncier dans les PLH devient de plus en plus déterminante. A la fois avec le développement des pratiques et des outils aussi divers que le développement des EPF, des OFS, des travaux d’articulation avec les PLU ou l’émergence de PLUI-H , mais aussi l’accroissement d’un budget d’interventions foncières préféré à des aides aux bailleurs sociaux.
Mais la multiplication d’outils et de dispositifs n’empêche pas de voir les limites de l’exercice. La charge foncière reste chère et spéculative. Le foncier, « support de développement du bâti » intègre dorénavant des espaces urbanisés, encore plus complexes à mobiliser. Et on ne parle plus trop des ménages au milieu de tous ces dispositifs…
Il faut aller plus loin, autrement, et s’interroger sur le modèle spéculatif de la charge foncière. »
(1)A titre amical, dans une logique de partage de réflexions non officielles, les participants étaient issus des territoires suivants : agglomérations de Saint Brieuc, de Saint-Etienne, Cergy-Pontoise, Grand Annecy, Portes de l’Isère, Genevois français, Vals du Dauphiné et Maconnais.
Des constats partagés malgré de fortes hétérogénéités entre les territoires
La présente note vise à retraduire les débats et à poser des jalons de réflexion pour la suite. Car suite il y aura ! Cette première séance ayant surtout servi à partager des situations entre des territoires plus ou moins tendus ou expérimentés en matière de mise œuvre de stratégies foncières.
Un tour de table a permis de partager un certain nombre de constats.
Tout d’abord, assez naturellement quand on parle « foncier », on parle beaucoup d’outils et de dispositifs, plus ou moins utilisés selon les territoires : référentiels, PAF, PLUi, DPU, ZAC, EPF, OFS, observatoires, …
Le volet technique (techno ?) semble ainsi très prononcé… mais globalement des participants reconnaissent que c’est sur le volet « activité économique » que les schémas fonciers avancent le plus vite. Sur l’habitat les choses semblent plus complexes ! Et la technique ne suffit pas (plus ?) pour répondre aux enjeux actuels.
Un territoire explique son histoire de stratégie foncière qui a trouvé sa source dans la faiblesse du marché, ses poches de vacances et une expérience désastreuse d’un promoteur venu faire de la surenchère sur le foncier il y a plus de 10 ans… et si les prix s’envolent facilement, il est nettement plus long de faire redescendre les fantasmes des propriétaires vendeurs… Il a donc fallu pour les collectivités développer une stratégie d’acquisitions foncières dans le but de rééquilibrer le marché… et calmer une production concurrentielle du parc existant.
Pour d’autres l’histoire s’apparente à la course à l’échalote derrière les prix, et l’impression qu’un budget d’acquisition foncière pour essayer de maitriser le marché ressemble au tonneau des Danaïdes tant les montants économiques sont colossaux !
Certains expliquent aussi que la maturité n’est pas encore là, par exemple pour élaborer un PLUI qui traduit une cohérence d’approche. Mais il s’agit aussi de partenaires et opérateurs qui ne jouent pas tous la même partition dans un contexte assez opaque pour comprendre les opérations.
Il faut grandir vite et d’un coup sur l’ambition des politiques foncières… la situation ne laisse plus le choix
Il va falloir gagner en maturité dans l’approche foncière très rapidement… avec l’impression d’être « rattrapé par la patrouille ». Que ce soient en termes de prise en compte des effets du changement climatique, de la spéculation immobilière non maitrisée, d’évolutions réglementaires complexes à intégrer ou d’itinéraires résidentiels impossibles à réaliser.
On ne peut plus se satisfaire d’une stratégie foncière qui se contente de l’identification du « potentiel foncier » pour chaque commune. Même si ce travail d’objectivation est générateur de prises de conscience pour les élus et ne doit pas être sous-estimé.
Mais il faut aller plus loin… et explorer tous azimuts lors d’une prochaine session d’échanges, par exemple autour de propositions ouvertes à toutes critiques et enrichissements.
Mettre, vraiment, en place des observatoires = le minimum
Les observatoires fixent des référentiels fonciers et suivent l’évolution des potentiels…. Cela a l’air hyper classique comme çà… pourtant c’est souvent ce type d’actions qui n’est pas mise en œuvre dans les PLH, ou abandonnée faute de moyens, ou qui reste confidentielle… Des participants soulignent l’apport de la démarche pour commencer à mobiliser leurs élus. C’est la base… que d’autres n’ont pas mise en œuvre, tout en ayant déployé divers outils… aux effets difficilement suivis donc…
Sur le potentiel, il ne faut pas hésiter à se faire un peu mal… C’est-à-dire évaluer la densification de l’existant, les changements de statuts, les poches de vacances, les espaces artificialisés… Bref, le potentiel c’est le « déjà là ».
Juxtaposer des calques comme autant de grilles de lecture
Quelles grilles de lecture et d’interprétation appliquer ce potentiel ? C’est la partie stratégique. Il faut se mettre d’accord sur les « calques » que l’on veut mettre sur le potentiel afin de définir la pertinence de sa mobilisation, puis sa destination idéale. Tout cela à une échelle d’analyse qui transcende les limites administratives…
Les calques peuvent porter sur la localisation des secteurs :
- De la ville du ¼ d’heure, soit la proximité accessible de services pour des ménages de « 0 à 100 ans »,
- Avec la desserte multimodale la plus complète,
- Offrant le plus d’énergies renouvelables à disposition,
- Propices à un habitat de confort d’été (présence de puits de fraicheur),
- Etc…
La juxtaposition des calques permet ainsi de faire ressortir les secteurs cochant toutes les cases, par définition stratégiques et prioritaires pour un développement de l’habitat bienveillant vis-à-vis des ménages les plus fragiles. On a défini le terrain de jeu sur lequel l’intervention publique doit s’employer…
Les ménages cibles : base de calcul de la charge foncière admissible
Il s’agit, sur ses secteurs prioritaires de définir un programme d’actions spécifique. D’abord en définissant les ménages cibles que l’on veut accueillir sur ses secteurs. L’approche ménages est le cœur du dispositif pour garder du sens à la démarche.
Pour chaque secteur prioritaire on définit donc des ménages cibles, liés à des produits immobiliers abordables. L’objectif est ainsi de définir une gamme de prix à atteindre à partir duquel on applique le compte à rebours de l’opération, en intégrant donc les spécificités du site, pour aboutir à une estimation d’un prix de charge foncière admissible. Cela implique idéalement que les opérateurs jouent la transparence et travaillent à livre ouvert…
« Parler pognon » rapidement
Une fois le prix foncier admissible identifié, il s’agit de le comparer avec l’estimation de prix de marché…. Le travail de définition des actions à mener pour réduire un éventuel écart est à conduire.
Il s’agit ainsi d’utiliser tout le panel d’outils à disposition, mais aussi avant tout de comprendre l’histoire du foncier et de ses propriétaires. C’est notamment raconter l’histoire spéculative du bien pour comprendre les racines de la valeur et construire la négociation. Concrètement d’où vient la valeur du bien ? Il est fort probable que dans la plupart des cas sa valeur provienne d’investissements publics passés. Peut-être il y a là une piste à creuser quand France Domaines évalue les biens afin d’éviter que la collectivité ne paye deux fois ?
C’est à ce stade qu’il faut mobiliser à bon escient l’arsenal à disposition, relativement pléthorique, dans cette logique de construction de projet.
Rien de bien innovant en termes d’outils dans cette proposition. Tout existe. Les marges de progrès sont plutôt du côté de l’évolution culturelle dans l’approche du foncier, et de quête, sans cesse, de sens dans ce qu’on fait… Il m’arrive parfois ainsi de croiser des chargés de mission urbanisme/foncier un peu perdus dans les contradictions qu’ils doivent gérer. Là aussi, on peut avoir plein d’outils mais si les ressources humaines techniques ne sont pas à l’aise la portée opérationnelle s’en trouve limitée… mais çà… c’est une autre histoire… (ha bon ? vraiment ?).